Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/273

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table et mettre le couvert, et, en le portant sur le lit de son grand-père, elle le regarda d’un air fort triste.

— Pauvre Charlot ! dit-elle, je ferai bien pour toi mon possible, car tu es à plaindre d’être venu au monde, et m’est avis qu’on ne t’y avait point souhaité.

Mais sa gaieté fut vite revenue, et mêmement elle eut de grandes risées à souper, en faisant manger Charlot, qui avait l’appétit d’un petit loup et répondait à toutes ses prévenances en lui voulant griffer la figure.

Sur les huit heures du soir, Joseph entra et fut bien accueilli du père Brulet ; mais j’observai que Brulette, qui venait de remettre Charlot sur le lit, tira vitement la courtine comme pour le cacher, et parut tourmentée tout le temps que Joseph demeura. J’observai aussi qu’il ne lui fut pas dit un mot de cette singulière trouvaille, ni par le vieux ni par Brulette, et je pensai devoir m’en taire pareillement pour leur complaire.

Joseph était chagrin et répondait le moins possible aux questions de mon oncle. Brulette lui demanda s’il avait trouvé sa mère en bonne santé, et si elle avait été bien surprise et bien contente de le voir. Et, comme il disait oui tout court à chaque chose, elle lui demanda encore s’il ne s’était pas trop fatigué en allant à Saint-Chartier, de son pied, et en revenant le soir même.

— Je ne voulais point passer la journée, dit-il, sans rendre mes devoirs à votre grand-père, et, à présent, je me sens fatigué pour de vrai et m’en irai passer la nuit chez Tiennet, si je ne le dérange point.

Je lui répondis qu’il me ferait plaisir, et l’emmenai à la maison, où, quand nous fûmes couchés, il me dit :

— Tiennet, me voilà autant sur mon départ comme sur mon arrivée. Je ne suis venu au pays que pour quitter le bois de l’Alleu, qui m’était tourné en déplaisance.