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Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/384

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de Thérence. Ce n’était pas seulement Joseph qui me croyait égarée depuis longtemps, c’était Huriel aussi, puisqu’il avait l’amour assez fort et le cœur assez grand pour dire hier à sa sœur : « Fautive ou non fautive, je l’aime et la prends comme elle est. » Ah ! Huriel, je vous en remercie ! mais je ne veux pas que vous m’épousiez avant de me connaître. Je souffrirais trop de vous voir critiqué comme vous allez l’être, sans doute, à cause de moi. Je vous respecte trop pour laisser dire que vous endossez la paternité d’un champi. Allons ! convenez qu’il faut que j’aie été bien légère dans mes allures d’autrefois, pour donner prise à une pareille accusation ! Eh bien, je veux que vous me jugiez par ma conduite de tous les jours, et que vous sachiez que je ne suis pas seulement belle danseuse à la noce, mais bonne gardienne de mon devoir à la maison. Nous viendrons demeurer ici, comme vous le souhaitez ; et, dans un an, si je ne suis pas maîtresse de vous prouver que je n’ai pas à rougir de mes soins pour Charlot, du moins je vous aurai donné, par toutes mes actions, la preuve que je suis raisonnable dans mes esprits autant que saine dans ma conscience.

Huriel arracha Brulette des bras de son père, embrassa dévotement les larmes qui coulaient de ses beaux yeux, et la replaçant où il l’avait prise :

— Bénissez-la donc bien, mon père, dit-il, car vous voyez si je vous ai menti en vous disant qu’elle en était digne. Elle, a très-bien parlé, cette chère langue dorée, et il n’y a rien à lui répondre, sinon que nous n’avons pas besoin d’un an ni même d’un jour d’épreuve, et que nous irons, dès ce soir, la demander à son grand-père ; car de passer encore une nuit dans l’attente de ce consentement, je ne m’en sens pas le courage, à présent que je n’ai plus que cela à obtenir pour me sentir le roi du monde.

— Voilà donc, dit le père Bastien à Brulette, ce que tu as gagné à chercher du répit ? Au lieu de le