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coup d’œil général sur paris

tout ce bien-être… c’est l’œuvre du travail intelligent ; et ce n’est pas seulement pour l’homme un droit, mais un devoir résultant de son organisation inventive et productive, que de créer à la famille humaine des demeures vastes, nobles, saines et riches. Ces tableaux, ces statues, ces bronzes, cet orchestre, ces belles étoffes, ces gracieux ornements de pierreries au front des femmes, tout ce luxe, c’est l’œuvre de l’art ; et l’art est une mission divine que l’humanité doit poursuivre et agrandir sans cesse. Ces artistes, qui cherchent là des jouissances exquises, échange bien légitime des jouissances données par eux-mêmes à la société, ils ont le droit d’aimer le beau, et ils obéissent à leur instinct supérieur en cherchant à s’y retremper sans cesse. Oui, l’humanité a droit à ces richesses, à ces plaisirs, à ces satisfactions matérielles et intellectuelles. Mais c’est l’humanité, entendez-vous ? c’est le monde des humains, c’est tout le monde qui doit jouir ainsi des fruits de son labeur et de son génie, et non pas seulement votre petit monde qui se compte par têtes et par maisons. Ce n’est pas votre monde de fainéants et d’inutiles, d’égoïstes et d’orgueilleux, d’importants et de timides, de patriciens et de banquiers, de parvenus et de pervertis ; ce n’est pas même votre monde d’artistes vendus au succès, à la spéculation, au scepticisme et à une monstrueuse indifférence du bien et du mal. Car, tant qu’il y aura des pauvres à votre porte, des travailleurs sans jouissance et sans sécurité, des familles mourant de faim et de froid dans des bouges immondes, des maisons de prostitution, des bagnes, des hôpitaux auxquels vous léguez quelquefois une aumône, mais dans lesquels vous n’oseriez pas entrer, tant ils diffèrent de vos splendides demeures,