Aller au contenu

Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

calmes, je pense, on peut demander de la lumière.

Je restai muet pendant que Manuela faisait servir le thé et parlait à sir Richard de son voyage avec une entière liberté d’esprit. La Dolorès allait et venait rapidement, scrutant avec une muette angoisse les paroles et les contenances. Il était évident qu’elle nous avait trahis, voulant frapper un grand coup, détacher Manuela de sa chaîne et forcer Richard à nous marier.

Quand elle fut sortie, M. Brudnel, qui n’avait pas encore levé les yeux sur nous, alla fermer les portes et nous regarda en riant. Ce rire me parut forcé et me déchira le cœur.

— Eh bien, mes enfants, dit-il, nous voilà seuls et réconciliés d’avance. Vous voulez une explication, je vais vous donner l’exemple de la franchise… Oui ! de la franchise la plus entière.

Il s’assit, et parla ainsi :

— Je sais, docteur, que Manuela, — il faut devant vous lui donner son vrai nom, — vous a raconté très-fidèlement toute son histoire. Je n’ai absolument rien à rectifier ; je dois seulement éclaircir un point resté douteux dans son esprit, dans le vôtre par conséquent. Elle a cru que par moments, dans le cours de notre longue et très-innocente intimité, j’avais subi en dépit de moi-même l’empire de sa beauté. Elle s’est abso-