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Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/313

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diaire et confidente, je m’y refusai. Elle me trouva trop rigide et se plaignit de n’avoir pas mon affection comme j’avais la sienne. Je sentis qu’elle se perdait et qu’elle pouvait me perdre avec elle en me rendant complice de relations suspectes. J’avoue aussi que j’étais offensée des vivacités de Fanny. Elle m’avait dit, dans un moment de colère, que j’étais jalouse d’elle parce que j’étais, comme toutes les femmes de la maison, même sa belle-mère, éprise de sir Richard. Il y avait peut-être du vrai dans cette idée ; mais, pour ce qui me concerne, c’était absolument faux. J’étais raisonnable malgré mon jeune âge, et, de toutes les femmes de la maison, j’étais la seule à laquelle sir Richard n’eût pas osé chercher à plaire. Au moment où Fanny me blessa ainsi, ton père m’aimait et je m’étais attachée à lui. Nous nous rendîmes à Bordeaux avec mon père et nous y fûmes mariés. Là, nous eûmes la douleur de perdre cet excellent père. Il nous laissait un petit héritage que mon mari crut augmenter par le commerce. Nous prîmes donc auprès de Bordeaux un modeste établissement. C’est là que tu es né et que j’ai eu trois ans de bonheur sans mélange.

» Après ces années paisibles arrivèrent de grands chagrins. Je voyais approcher avec joie le moment où