Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/71

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sonne ici ne vous en dira plus que moi. Pourtant, si vous voulez déjeuner, je vous ferai parler à quelques personnes de la ville.

Je commandai un déjeuner convenable, et j’invitai mon hôte à le manger avec moi, afin de le faire causer encore. Il devint tout à fait communicatif et me mit en relation avec quelques-unes des notabilités de sa clientèle. J’appris les choses les plus fâcheuses, les plus immondes sur le compte de mon débiteur. Je tremblais d’entendre prononcer le nom de mon père parmi les noms de ses amis. Il n’en fut pas question. Je me gardai bien de parler de Manuela, on m’en parla plus que je ne voulais. Selon les uns, c’était une fille sans expérience, intéressante et fort à plaindre ; selon les autres, c’était une rusée petite coquette qui s’était lestement dégagée de son amourette avec le jeune officier pauvre, pour accepter de la main paternelle, non pas un époux mieux partagé, mais des intrigues plus lucratives.

Je passai le reste de la journée à m’informer dans la ville. Le lendemain, je me rendis à Madrid, où les renseignements se trouvèrent conformes à ceux de Pampelune. On pensait que Perez était parti pour l’Amérique du Sud, où il avait déjà fait la traite des noirs. Quant à sa fille, — car, malgré moi, il semblait