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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/150

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les naïfs, les don Quichotte, et vous êtes les Cassandre de la comédie humaine.

Quel dommage pourtant ! Il y a des choses excellentes dans ton petit livre, des pages de style à encadrer, des finesses de sentiment ravissantes, des originalités d’esprit vraiment drôles. Et tout cela perdu dans la prétention de n’être pas toi-même, dans un désordre d’impressions qui se contredisent et qui ne semblent pas appartenir au même homme, mais à l’homme que tu veux être et que tu ne connais même pas, car tu n’es pas sûr qu’il soit bon ou mauvais. Je le cherche, ce monsieur que tu cherches aussi, je le trouve dans beaucoup de jeunes messieurs qui écrivent ; mais je ne le connais pas pour cela, je ne le vois pas. C’est un dandy qui a des airs profonds et des airs évaporés ; il cherche les allures du gentilhomme, il regrette le temps des Lauzun, il aspire au puissant libertinage du dernier siècle, il ne trouve pas dans celui-ci assez de femmes galantes pour assouvir les passions qu’il n’a pas. Il a des idées de luxure avec des mœurs timides ou prudentes, car l’homme du jour est très-positif. Il est philosophe, et par moment Voltaire est son dieu. Généralement, il méprise Rousseau, qui vivait si mesquinement et qui avait des amertumes de cuistre ; mais tout d’un coup ce dandy littéraire, qui, en choisissant un pseudonyme, se donne la satisfaction d’y joindre un de, passe dans un autre compartiment de sa fantaisie : il vient de lire quelques pages de théologie, et le voilà ascétique. Pourquoi pas ? Il a du talent, et il faut que le talent s’exerce à tout exprimer, car il se flatte de tout comprendre. Vite, une belle tirade sur le désert, et de grandes cascades de phrases sur la poésie des chartreuses, sur les extases des saints ! Tout à l’heure nous serons féroce avec les forts châtelains du moyen âge et magistralement sabreur, si