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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/215

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peut-être n’a-t-il-pas l’intention de nuire. Ne sens-tu pas que Moreali, en se livrant avec le courage de l’imprudence ou l’attendrissement de la charité, nous ôte le droit de le démasquer ? »

Henri me trouvait trop débonnaire ou trop scrupuleux. Il était triomphant et comme bouillant d’indignation, lui si indifférent devant les empiétements du clergé dans la famille et dans la société. Il se frottait les mains et se promettait de confondre l’imposteur aussitôt qu’il pourrait le faire sans nuire à mes projets.

« C’est étonnant, lui dis-je, comme les tièdes et les sceptiques sont batailleurs quand ils s’y mettent ! Laisse-moi faire à présent, je t’en supplie, et calme-toi. Donne-moi ta parole d’honneur de garder le secret le plus absolu sur cette découverte jusqu’à ce que je t’en délie.

— Je le veux bien ; mais Élise ? Elle l’a reconnu, et elle n’en démordra pas.

— Élise est-elle l’amie sincère de Lucie ?

— Oui et non, répondit Henri. Je suis franc, moi, et je vois bien qu’Élise est femme ; mais elle me craint beaucoup, bien que je ne la blâme jamais. Je la taquine, je la persifle quand elle a tort ; c’est ce qu’elle redoute le plus au monde. Je te réponds d’elle, si tu veux qu’elle se taise.

— Je le veux absolument.

— Elle se taira. Tu penses bien que, si je ne m’étais assuré d’être toujours le maître avec elle, je n’aurais jamais cédé au désir de l’épouser.

— Ah ! voilà donc cette liberté complète que tu voulais conserver à ta femme ?

— Mon ami, reprit-il, je suis l’homme de la société, non pas telle qu’elle sera peut-être un jour, mais telle qu’elle est aujourd’hui. Le mari doit être le maître ; mais le seul moyen de l’être réellement, c’est d’avoir de