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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/221

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son importance, et qui a fait passer un petit nuage sur l’enjouement délicieux de Lucie. Je t’ai dit que nous avions pris ensemble un vrai repas d’amoureux, des œufs frais et de la crème, sur la terrasse de gazon, devant le site grandiose qui s’ouvre là, au bout du jardin. C’était l’heure du premier déjeuner de Lucie, et Misie n’avait naturellement apporté qu’un couvert. Lucie m’ayant invité à partager ce léger repas, Misie montra une extrême répugnance à lui obéir, et même, en m’apportant mon couvert, elle eut tant de mauvaise grâce, que Lucie, surprise, lui demanda ce qu’elle avait.

Pauvre chère demoiselle ! et de grands soupirs affectés, ce fut toute la réponse de Misie.

Misie est une grande et forte femme de trente à trente-cinq ans, qui, depuis son enfance, a passé à Turdy par divers grades de domesticité. Elle gardait les vaches, quand madame La Quintinie, touchée de son air simple et de sa piété, la fit entrer dans sa chambre, et l’y appela de temps en temps dans ses derniers jours. En mourant, elle la recommanda à son père, qui l’a toujours gardée, et qui, malgré son peu d’ordre et d’intelligence, l’a mise à la tête de l’office et de la lingerie.

« Elle est bonne, dit Lucie tout en me donnant ces détails, et je crois qu’elle m’est attachée, surtout depuis les soins que j’ai donnés à sa petite ; mais elle est d’une dévotion exaltée et superstitieuse. Je ne serais pas étonnée qu’elle nous regardât, vous comme un païen, et moi comme une âme dévouée désormais à l’enfer. Ah ! cette dévotion, quand elle est mal comprise, elle dénature le cœur et fait taire jusqu’à la reconnaissance d’une mère ! »

Je crois donc que l’abbé sait par Misie tout ce que fait Lucie. Henri m’a dit les avoir vus conférer à Aix deux ou trois fois. Je t’ai écrit, n’est-il pas vrai ? que le comte de Luiges était venu prendre ici quelques bains, et que Moreali