Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/225

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comte de Luiges, l’a toujours su. Voilà les seules personnes à qui j’aie eu affaire. En quoi les ai-je trompées ? Et vous, le dernier averti, que me reprochez-vous ?

— Je ne vous ai rien reproché, monsieur, je me suis méfié, voilà tout.

— Et vous vous méfiez encore ?

— Oui, et je me méfie davantage ; je me méfie d’un prêtre qui, en ce temps de réaction catholique, et lorsque les gouvernements croient devoir tant ménager cette opinion menaçante, se trouve ou se croit en danger sur le sol de la France. Je ne sache pas un homme de cœur, à quelque état qu’il appartienne, qui, en temps de paix et de sécurité générale, ait à préserver sa vie sous un déguisement de nom et d’habit.

— À quelque état qu’il appartienne, dites-vous ! Ignorez-vous qu’il en est un où l’homme, forcé d’abjurer les lois du point d’honneur qui vous régissent, est complétement empêché de repousser la violence par la violence ?

— Quelle violence peut donc avoir provoquée un de ces hommes dont la mission est toute de paix et de douceur, à moins qu’il n’ait manqué à cette mission ? Sommes-nous sous le régime de la terreur ? Et ne voyez-vous pas que vous me forcez à soupçonner un crime, ou tout au moins une faute grave, un oubli quelconque de vos devoirs dans le passé ? »

Cet interrogatoire où il m’avait entraîné presque malgré moi, par une confiance tardive et incomplète, le jeta dans une agitation où je vis se révéler une face nouvelle de son caractère. La fierté blessée, la passion, la douleur et la colère répandirent sur son visage, dans sa voix et dans son attitude une lumière sombre et comme un élan de révolte impétueuse.

« Ah ! c’en est trop ! dit-il en me serrant le bras comme