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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/252

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des consciences troubles, mais pour entretenir et développer dans les âmes éprises d’idéal les grands instincts qu’elles renferment. Ce n’est pas lui qui m’a suggéré l’idée de me faire religieuse. Il l’a éludée d’abord, entretenue ensuite ; enfin il a voulu me l’imposer au moment où je sentais devoir y renoncer.

L’amitié que j’avais pour lui eût pu être concentrée dans le domaine de l’esprit, et s’appeler seulement respect, vénération ; mais je l’avais assez connu au couvent, où il me donnait des leçons particulières, pour que le charme sérieux de son entretien et la bienveillance paternelle de ses manières eussent conquis ma reconnaissance et par conséquent mon affection. Je voyais en lui plus qu’un père spirituel ; c’était un ami que je plaçais dans ma pensée entre mon père et mon grand-père ; il me servait comme de lien intérieur pour les chérir également, malgré la différence de leurs caractères. Il suppléait à ce que je ne trouvais point en eux qui répondît à mes croyances et à mes aspirations religieuses. Il suppléait aussi à l’intelligence qui manquait à mon vieux confesseur de Chambéry.

Depuis nos adieux au couvent, notre liaison n’a plus été qu’une correspondance. Mes lettres étaient peu fréquentes, mais longues ; elles résumaient chacune toute ma vie de plusieurs mois. Les siennes parlaient peu de lui-même, il ne s’occupait que de moi. Je vous les montrerai ; vous verrez qu’elles sont belles, et que j’avais raison de l’aimer.

Son arrivée ici m’a surprise, son déguisement m’a blessée. Il ne m’a pas fait connaître qu’il eût une mission ecclésiastique ; il m’a dit au contraire, durant notre dernière explication, que le principal objet de cette mystérieuse campagne était de me ramener à l’orthodoxie. Je me suis refusée à des entretiens particuliers, cela était en dehors