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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/314

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— Ne le désirons pas trop, reprit-elle ; M. de Turdy jetterait feu et flamme.

— Ne m’avez-vous pas dit qu’il était fort bon ?

— Il n’a pas grande persistance, et il céderait à la fin ; mais que d’orages auparavant !

— Vous les redouteriez peu, si vous étiez certaine de les supporter pour le bonheur de votre enfant. »

Madame de Turdy restait indécise et incrédule. Elle ne s’opposa pourtant pas à ce que la vocation de Blanche fût interrogée. Je prêchais alors dans un couvent de religieuses où sa mère la conduisait deux fois par semaine pour m’entendre. Au bout de quelque temps, elle l’amena vers moi dans un parloir de ce couvent, où elle nous laissa ensemble.

Ce ne fut pas une confession, ce fut un entretien de frère à sœur. Blanche m’avoua qu’elle était bien agitée. Le colonel l’occupait beaucoup, et pourtant elle sentait que ce n’était pas là le doux rêve de sa vie. C’était comme une violence que l’homme faisait à son âme. L’appel du Sauveur, plus vague et plus tendre, la faisait rêver. Je vis bien que les sens avaient parlé, mais j’espérai lui enseigner délicatement à les vaincre.

Je portai une grande ardeur dans mon entreprise, et durant plusieurs mois, où tantôt la confession, tantôt les entrevues chez sa mère et au couvent établirent des relations suivies entre nous, je la vis s’avancer dans la voie sainte au point de me faire croire que je l’y avais assurée pour jamais. Combien elle eût été heureuse si elle eût persévéré ! Mon affection, ma sollicitude pour elle étaient devenues en moi comme une seconde vie. Toutes les forces de mon âme étaient tendues vers ce but de conserver vierge pour l’hymen du Christ cette âme digne de lui seul. À l’idée qu’un homme, et un homme sans