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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/37

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« Passons au chapitre du sentiment. Je suis passionné, avec l’imagination froide, c’est-à-dire que je suis jeune, que je n’ai rien abusé de rien, que j’ai encore des sens, et que je suis très-capable d’aimer une femme à la conditions qu’elle sera ma femme et que je pourrai l’estimer. Je n’estime pas les femmes en général. Toutes celles que j’ai connues intimement jouaient un rôle quelconque, et se sont classées dans mon souvenir comme des actrices plus ou moins habiles ; mais celle que je choisirai sera forcée d’être naturelle, vu qu’elle ne fera aucun effet et n’aura aucune prise sur moi, si elle ne l’est pas. Qu’elle soit du reste tout ce qu’il lui plaira d’être, sérieuse ou frivole, artiste ou bourgeoise d’esprit, pieuse ou philosophe, ambitieuse ou modeste, mondaine ou cénobitique, pourvu qu’elle soit de bonne foi dans le caractère qu’elle me montrera et honnête dans la satisfaction de ses instincts, je lui laisserai sa libre initiative. Elle sera fidèle, c’est tout ce qu’il me faut, et jamais ridicule, j’en réponds, j’y veillerai ; je saurai la choisir, te dis-je, et je l’aiderai à marcher droit, je l’y contraindrai au besoin. Je n’ai donc aucune frayeur du mariage, j’en remplirai consciencieusement tous les devoirs, et je me ferai respecter, je me le suis juré à moi-même.

« J’ai dit. Tu connais à présent celui qui te parle. Je passe au fait présent, au sujet qui t’occupe. Élise Marsanne me plaît ; elle est, jusqu’à ce jour, la seule femme dont je puisse dire : Je peux l’aimer ; mais je ne l’aime point encore, je n’ai pas lâché la bride à la vivacité de mon goût pour elle. Dis-moi franchement, et une fois pour toutes, que tu renonces à elle et que ton père t’autorise à n’y plus songer, et demain je te dirai peut-être que je suis amoureux d’elle, si ce mot-là te parait nécessaire au sérieux de mes projets. »

J’ai voulu, cher père, te rapporter aussi textuellement