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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/70

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déjà écrit à mon père, sans vous nommer, il est vrai ; mais il paraît qu’il s’impatiente et demande des détails. Il va falloir parler à ma tante, qui ne sait rien encore. Avez-vous écrit à votre père, vous ?

— Non. J’attendais, je devais attendre une véritable espérance.

— Eh bien, n’écrivez pas encore, promettez-le-moi, et n’allons pas plus avant sans que je sois sûre de moi-même. Je vous disais l’autre jour que je ne voyais pas d’obstacles ; j’en vois aujourd’hui. Je vous disais aussi que je ne voyais pas non plus de parti à prendre. Cela n’est guère possible du moment qu’il faut apaiser la sollicitude de deux familles par des résolutions quelconques. Ne nous laissons donc pas entraîner par les impatiences des autres, car là est le danger. Forçons-les à nous attendre, en nous attendant nous-mêmes patiemment et volontairement. »

Je ne pouvais que me soumettre, mais je m’en allai épouvanté, car Lucie ne fixait que vaguement le terme de mon exil. C’était tantôt huit jours, tantôt quinze, et je me disais par moments que c’était peut-être toute la vie.

Cinq jours, cinq mortels jours après, j’ai reçu un billet de M. de Turdy qui me disait : « Je suis seul, venez me voir. » Je l’ai trouvé seul en effet. Lucie était allée à Chambéry passer une semaine auprès de sa grand’tante. M. de Turdy était triste, bien qu’il voulût faire contre fortune bon cœur. Nous n’avons parlé que de Lucie, tout en essayant de n’en point trop parler.

« Lucie, m’a-t-il dit, subit des influences mystérieuses que je ne peux pas saisir. Vous avez entendu notre discussion de l’autre jour : j’ai gagné le point important, le confesseur. C’est un bon homme. Ma sœur est une bonne fille dont la dévotion n’a rien d’exalté ; son entourage