Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/45

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petite personne, à cheval, trottant comme une souris, le cheval, s’entend !

— Seule ? dit André subitement ému.

— Toute seule… sur un petit cheval gris de fer à crins noirs.

Pierre feignit de ne pas comprendre de qui il s’agissait, bien qu’il ne pût s’y méprendre.

— Et vous dites qu’elle est jolie ?

— Je ne l’ai pas dit, de peur de me tromper, elle filait si vite ;… mais le fait est qu’elle m’a paru charmante.

— Elle ne passe pas pour jolie et n’a pas la prétention de l’être.

— Vous savez donc qui elle est ?

— Je crois que oui. Vous dites qu’elle est petite ?

— Et mince comme un fuseau, mais très-gracieuse, des cheveux très-noirs tout frisottés, une pâleur intéressante et de grands beaux yeux.

— Enfin elle vous plaît ?

Jusqu’à présent, oui. Est-ce que, dites donc, ce serait… ?

— Oui, c’est… c’est la jeune personne avec laquelle votre père désire vous marier.

— Mademoiselle Chevreuse ? Tiens, tiens ! Je la rencontre comme ça tout de suite ! Est-ce qu’elle sait que je viens pour… ?

— Elle ne sait rien du tout, répondit Pierre d’un ton bref, et moi, je ne vous attendais que demain matin.

— C’est juste. Je suis parti un jour plus tôt pour ne pas traverser le pays pendant la nuit. Un peintre, ça veut voir ! Et puis j’étais curieux de m’en faire une idée, de ce pays qui est le mien, car je suis né à la Faille, moi, tout comme vous, mon cher ; mais je n’ai gardé aucun souvenir de mes premières années. Quant à la ville, ce que je viens d’en voir m’a paru affreux, mais la campagne environnante est belle, et voilà devant nous un joli petit chemin vert… avec des horizons bleus là-bas,… c’est ravissant… On s’habitue à vos gros noyers tout ronds, et par contraste vos ormes écimés