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Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/62

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tifs. C’était une véritable transformation. Pierre en fut vivement frappé.

— Tu l’aimes déjà, répondit-il, car te voilà jolie, et c’est lui qui t’apporte la beauté que tu n’avais pas !

— S’il m’apporte la beauté, dit Marianne, qui devint tout à fait vermeille de plaisir, c’est déjà un beau cadeau qu’il me fait et dont je dois lui savoir gré ! Je me suis toujours jugée laide, et personne ne m’a encore détrompée.

— Tu n’as jamais été laide, et je ne sache pas l’avoir jamais dit…

— Oh ! vous, reprit-elle vivement, vous ne m’avez jamais regardée, vous n’avez jamais su quelle figure je pouvais avoir !

— Voilà encore de la coquetterie, Marianne. Je t’ai toujours regardée… avec intérêt.

— Oui, comme un médecin regarde un malade ; vous pensiez que je ne vivrais pas. À présent que vous me voyez bien vivante, vous n’avez plus besoin de vous inquiéter de moi.

— Tu vois bien pourtant que je ne me suis pas couché cette nuit par inquiétude.

— Mais quelle inquiétude ? Voyons ! Quel danger puis-je courir avec M. Philippe Gaucher ? N’est-il pas un honnête homme ? À son âge, on n’est pas corrompu, et d’ailleurs je ne suis pas une enfant pour ne pas savoir me préserver des belles paroles d’un jeune homme.

— Il n’y a en effet que le danger de faire jaser sur ton compte avant que tu sois décidée à laisser dire,… toi qui crains tant les propos, jusqu’à ne pas me permettre de te voir chez toi !

— Oh ! vous, mon parrain, ce serait plus grave. On sait bien que vous ne m’épouseriez pas ; vous n’êtes pas dans le même cas qu’un jeune homme qui veut s’établir.

— Que dis-tu là ? c’est absurde. Je ne t’épouserais pas, si j’avais eu le malheur de te compromettre ?