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Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/80

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Et elle ajouta tout bas :

— Je vais avec vous jusqu’aux étables, et je reviens ici faire la partie de votre mère.

— Nous vous suivons, répondit Pierre.

Mais il ne les suivit pas. Il revint au salon avec madame André en lui disant :

— Laissons-les s’expliquer ensemble. Le moment est déjà venu où Marianne va se décider. Elle l’a voulu, elle l’a mis en confiance. Il va résumer en une seule toutes les déclarations qu’il lui a faites pendant le dîner. Si cela plaît à Marianne, notre avis est fort inutile : nous n’aurons qu’à dire amen.

Madame André était inquiète ; elle ne voulait pas que Pierre abandonnât ainsi la partie. Elle le força d’aller rejoindre Marianne. Il lui promit d’obéir et s’en alla tout seul au fond du petit désert où il avait eu, quelques heures auparavant, un moment de bonheur et d’espoir. Il l’avait déjà perdu, et toute sa vie manquée par excès de modestie lui apparaissait comme une raillerie amère devant le triomphe subit d’un enfant qui n’avait peut-être pas d’autre mérite que la foi en lui-même.

Au bout d’une heure de profonde tristesse, il revint auprès de sa mère, qu’il retrouva causant ménage avec la Marichette tout en l’aidant à replacer dans les placards du salon les vieilles faïences et les jolis ustensiles de verre.

— Eh bien, dit-elle en prenant le bras de Pierre et l’emmenant au jardin, tu reviens seul ?

— Je ne sais où ils sont, répondit Pierre. Je croyais les retrouver ici.

Ils firent le tour de la tonnelle de vigne. Ils n’y étaient pas.

— Vous voyez bien, disait Pierre, que ce tête-à-tête prolongé est définitif.

— Non, c’est qu’ils sont encore à la ferme. Vas-y donc !

— Je ne veux pas avoir l’air de les surveiller, et, s’ils font une promenade sentimentale dans le bois de hêtres,