Aller au contenu

Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

heureuse et aussi choyée qu’il dépendait de moi qu’elle le fût.

J’ai été sur le point de répondre à la confiance de mademoiselle Vallier par la mienne, et de lui dire que jetais ce neveu de M. Piermont dont elle avait daigné garder un si bon et si généreux souvenir. Je n’ai pas osé, par la raison qu’elle m’avait parlé de cet inconnu avec une certaine vivacité touchante qui m’avait fait un peu battre le cœur. Il m’a semblé que sa pudeur serait froissée de me voir profiter en quelque sorte de l’abandon plein de charme avec lequel elle venait de me parler de moi-même. Comme je n’ai pas dit mon nom à M. Sylvestre, qui ne me l’a pas demandé, comme je lui ai parlé de M. Aubry sans le désigner et sans le dépeindre. Aldine peut ignorer encore longtemps qui je suis. Si quelque hasard le lui apprend, elle me saura gré de ma réserve et en comprendra les motifs.

Quel malheur pourtant que je ne sois pas riche et romanesque ! Comme ces deux rencontres bizarres avec Aldine et la confidence qu’elle m’a faite gaiement de son amour d’enfant pour moi. — car c’était de l’amour en somme, toute jeune fille aime l’homme qu’elle rêve et qu’elle attend ! — comme tout cela était bien disposé pour nous lancer dans une passion charmante ! Ô réalité, ma souveraine, vous êtes maussade et revêche, il faut en convenir, et votre sceptre est une verge de fer, surtout quand on a vingt-cinq ans, un cœur tout neuf et de l’imagination tout comme un autre !