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Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/146

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pour souffrir que je change un iota à son plan d’existence. Je ne chercherai pas non plus à me faire aimer de ma charmante voisine ; car, si je suis un cerveau creux et un incapable, comme cela est fort possible, je serais par-dessus le marché un misérable de troubler son repos et de compromettre sa bonne renommée pour lui apporter ma misère et ma honte. Donc, elle ne saura rien de mes sentiments pour elle, et, si je l’aime comme tu le prétends, je n’en veux encore rien savoir moi-même.

Je travaille avec acharnement. J’ai eu avec M. Sylvestre une discussion où j’avoue qu’il m’a vaincu sur certains points. Je crois encore qu’il donne trop d’importance à la solidarité humaine, comme tous ceux de son école ; mais il a pourtant augmenté à mes yeux cette importance, et la chaleur de sa conviction m’a paru avoir la valeur d’un solide argument. J’y reviendrai, je veux d’abord y réfléchir.




XXIII

DE PIERRE À PHILIPPE


30 mai 1864.

J’ai reçu ce matin une visite qui m’a beaucoup surpris. Je sortais pour aller voir M. Sylvestre, quand j’ai été saisi au passage par Gédéon Nuñez.

— Je venais chez vous, me dit-il. Je vous savais ici. Votre véritable aventure est enfin connue, elle vous