Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/195

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même je sais des choses que je ne devrais pas savoir… Que voulez-vous ! Rébecca est bavarde. Je sais pourquoi vous êtes brouillé avec votre oncle.

— Non, mademoiselle, m’écriai-je, surpris et mécontent d’une ouverture si hardie, vous ne le savez pas !

— Je vous demande pardon, reprit Jeanne avec une décision extraordinaire. Oh ! ma bonne Aldine, vous avez beau me serrer le bras à me le rendre bleu pour m’empêcher de parler d’une chose qui vous parait si délicate, il faut que je la dise ; elle ne me trouble pas, et j’ai besoin de la dire. J’ai besoin, au milieu de toutes ces énigmes qui m’entourent, de sauvegarder ma franchise et ma fierté à moi ! Eh bien, voilà… Je sais que votre oncle voulait vous marier, monsieur Pierre, et je sais avec qui ; mais je vous assure que, ce matin encore, je ne le savais pas, et qu’en l’apprenant de Rébecca, j’en ai eu un chagrin affreux ! Comment ! c’est moi qui suis la cause de votre ruine, de votre malheur, de l’obligation où vous voilà de travailler pour vivre ! Oui, en apprenant cela, j’ai été presque fâchée contre ma pauvre mère, qui aurait dû, à tout prix, vous réconcilier avec M. Piermont. Voyez donc quelle situation ridicule et vilaine on me fait dans tout cela ! Il passe par la tête de votre oncle de vous marier, vous qui préférez peut-être rester garçon, qui, dans tous les cas, ne voulez pas d’une inconnue parce qu’elle est riche. Cela vous fait honneur certainement. De son coté, maman, qui croit apparemment que j’accepterai l’homme de son choix sans le connaître, encourage le beau projet de votre oncle sans me consulter ! Et voilà un malheur de famille qui vous écrase ! Ah ! vous avez dû