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Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/225

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XXXIV

DE PIERRE À PHILIPPE


L’Escabeau, 28 juin.

Il se passe autour de moi, et peut-être à propos de moi, les choses les plus extravagantes, et j’aurais grand besoin de ta clairvoyance et de tes conseils.

Je me rendais aujourd’hui à la Tilleraie pour dîner. Gédéon m’avait écrit un billet, des reproches sur ma disparition, sur ma sauvagerie. Je crains tant de paraître boudeur et envieux, que, malgré mon désir d’être tranquille et de travailler, je suis parti tout de suite, pour montrer la figure d’un homme qui a toute sa quiétude de cœur et toute sa lucidité d’esprit. J’étais à peine entré dans le bois, que je traverse verticalement, parce que c’est le plus court pour gagner les plateaux de la Tilleraie, quand je me suis trouvé en face de mademoiselle Jeanne. Surpris de la rencontrer seule dans ce petit désert, je lui ai dit qu’elle avait tort de se promener ainsi.

— Allons donc ! m’a-t-elle répondu d’un ton décidé et assez braque, est-ce que le pays n’est pas sûr ? Est-ce que mon amie Aldine ne le parcourt pas seule à toute heure !

— À toute heure, non.

— Eh bien, ne sommes-nous pas en plein jour ?

— Mademoiselle Vallier a eu jusqu’à présent l’excuse de son indépendance dans sa pauvreté…