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Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/242

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Tu as beau faire et beau dire, mon ami Pierre, l’amour est le grand moteur de toutes les sottises humaines, et c’est tout simple : il est le grand prestige de la vie, le grand besoin, la grande aspiration de tout notre être. Pour le conquérir, on risque tout, et beaucoup sont blessés ou tués sur la brèche. Tu en as cherché trop long pour t’en défendre, et, comme un imprudent, tu as nié le danger. Le danger y est, va, et il est immense. Il ne faut point venir nous dire, à nous autres médecins qui voyons la science échouer devant le ravage intellectuel et physique des passions, que la passion pour la femme est une chose factice, née du mysticisme ou de la chevalerie, de la mode ou de la littérature. Ta ta ta ! En tout temps, il y a eu de violentes déterminations de l’instinct ou de la volonté pour tel ou tel objet, et la femme est le principal. Si l’on ramenait l’homme à l’état de nature en lui disant : « Assouvis tes sens, l’univers t’y convie, et ta liberté n’aura de limites que celles de ton énergie, » le premier animal de la création ne serait pas au-dessous des autres animaux ; il choisirait sa compagne, il la garderait avec jalousie, il veillerait sur elle et partagerait avec elle le soin de la famille. La civilisation n’a rien à voir là dedans. Vous pourrez poétiser ou matérialiser outre mesure cet entraînement, il sera toujours fatal, puisqu’il est naturel, c’est-à-dire qu’il est fatalement divin.

Mais choisissons bien. Plus nous sommes intelligents, plus nous devons savoir discerner et fonder l’association sur la base d’une véritable sympathie. L’ermite des Grez a raison : qui se trompe a tort de se tromper et n’a plus le droit de se plaindre. Il en est temps encore, mon cher raisonneur ! Raisonnez bien,