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Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/274

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— Ce n’est rien de tout cela, c’est un sage.

— Et vous Pierre, que dites-vous ?

— Moi, je dis que c’est un saint.

— Ce n’est pas la même chose.

— Non certes, repris-je ; les saints ont le droit de franchir les tristes et froides limites de la raison.

— La raison n’est pas la sagesse, dit mademoiselle Vallier ; les vrais sages méprisent l’égoïsme et la petite prudence du monde. La vraie sagesse est une sainteté, et la vraie sainteté est une haute et sublime sagesse.

— Allons, je suis battu pour ce qui concerne M. Sylvestre, dit Gédéon ; mais le problème de la richesse n’est pas résolu. Mademoiselle Vallier ne me dit pas ce qu’il faut faire des riches.

— Il faut en faire des sages, répondit-elle.

— C’est-à-dire des ermites ?

— Non, il leur faudrait trop d’idéal ; mais il y a sagesse et sagesse. C’est à vous autres de connaître celle qui ne dépasse pas vos forces. Moi qui n’ai pas besoin de m’élever si haut, je ne puis vous l’enseigner.

— Que voulez-vous dire par là ? Je ne vous entends pas. Pierre, est-ce que vous comprenez ? Il me regardait avec des yeux moitié suppliants, moitié menaçants.

— Non, répondis-je, je ne sais pas du tout pourquoi mademoiselle Vallier ne prétendrait pas à une grandeur morale qu’elle sait si bien définir.

— Je veux bien m’expliquer, répondit-elle. Les grands devoirs sont des montagnes que je ne me sens pas obligée de gravir. Je ne suis pas bien forte, et je me suis déjà beaucoup fatiguée à monter et à descendre de petites collines insignifiantes où les chemins