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Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/331

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délai. J’y ferai de mon mieux, sachant que tu ne veux guère vivre sans moi, et n’ayant guère envie non plus de passer des semaines sans te voir.

Mademoiselle Vallier est toujours là, du matin au soir, et prolongeant sa veillée quand le malade a un peu de malaise ou d’agitation. En somme, c’est un blessé modèle, souffrant avec une patience à toute épreuve, et se soumettant à tout comme un enfant qui n’a pas la notion de la mort et qui obéit pour faire plaisir à ses parents. Il nous disait hier, en montrant sa bien-aimée :

— Je n’ai jamais cru que je mourrais, je la sentais près de moi. Un homme aimé d’elle ne peut pas mourir…

Je suis forcé de le faire taire ; car à présent il parlerait plus que je ne veux ; mais je lui parle, moi, et l’ermite aussi. Nous lui disons ce qu’elle nous dit. Elle l’a toujours aimé. Depuis le jour où il l’a déclarée laide, lorsqu’elle était encore enfant, elle n’a jamais rêvé que de lui. Et pourtant elle ne connaissait de lui que le son de sa voix et ses injures. Cette préoccupation romanesque est devenue une vive sympathie, et plus encore, quand elle l’a connu ici, quand elle a veillé avec lui au chevet de l’ermite malade ; mais elle a toujours cru qu’il n’éprouvait rien pour elle, et même il y a eu des jours où elle a pris sa jalousie pour de l’aversion. Elle le chérissait quand même et croyait travailler à son bonheur, à la satisfaction de M. Sylvestre, en désirant son mariage avec Jeanne.

À propos, cette fameuse Jeanne, je l’ai vue. Elle est venue deux fois savoir des nouvelles de Pierre, d’abord avec sa protectrice, madame Duport, et ensuite avec les demoiselles Nuñez. C’est une très-belle personne,