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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/103

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— Tu appelles cela une déclaration ? dit à Éveline Nathalie, qui écoutait.

Éveline éclata de rire et regarda Thierray en face.

— Et moi, je vous trouve charmant, dit-elle ; je vous prie, recommencez.

— Cela vous amuse, dit Thierray, c’est dans l’ordre. Vous savez que vous avez des forces pour faire souffrir, et vous ferez beaucoup souffrir.

— Qui donc ? les gens assez fous pour m’aimer ?

— Ou pour vous le dire, répondit Thierray en serrant les lèvres d’une manière expressive.

— Conviens qu’il a un joli sourire, dit Éveline à Nathalie, pendant que Thierray répondait à son voisin de gauche.

— Allons, répondit Nathalie en haussant les épaules, te voilà éprise d’un sot ou d’un roué !

— Ou d’un roué ? reprit Éveline. S’il est amoureux de moi à la première vue, il est dans la première catégorie ; s’il l’est de ma belle-mère, et qu’il veuille se servir de moi comme d’écran, il est dans la seconde ; nous verrons bien !

Sur la fin du repas, Flavien arriva, et, sachant qu’on était encore à table, il passa par le perron du jardin dans le salon, admira le bon air que Thierray avait su donner à son offrande, et envoya tout doucement Crésus porter au cabinet de travail de Dutertre la procuration signée de sa main. Puis il se mit à faire le tour des jardins, ne voulant pas assister en provincial à son triomphe.

Le triomphe fut complet. D’une part, le charmant clavecin tant convoité par Éveline et si bien apprécié par Olympe ; de l’autre, le cordial et flatteur badinage de la procuration parafée et signée que le secrétaire de Dutertre lui apporta au milieu du salon : il y avait certes de