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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/108

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beth eût pris ce noble seigneur pour un de ses grands officiers, et, quoi qu’en dise Éveline, je suis reine, je suis Elisabeth, je suis Anglaise par nature plus qu’on ne le pense… Comment plairais-je à ce grand vassal ? comment le retiendrais-je ici, au moins tout le temps des vacances, ne fût-ce que pour n’être pas abandonnée au fretin des prétendants, pendant qu’Éveline jette déjà son dévolu sur le seul homme d’esprit de la société ? Je suis aussi belle dans mon genre que M. Flavien dans le sien, et d’une nature encore plus aristocratique, malgré mon origine bourgeoise. Là où celui-ci ne saurait que commander, je saurais régner. J’ai du talent, prestige infaillible sur ceux qui n’en ont pas. — Oui, mais je n’ai pas de coquetterie, et, dans ce temps-ci, il faut qu’une demoiselle fasse les avances pour se faire remarquer d’un homme qui n’aspire pas à une dot. Mais suis-je bien sûre de n’avoir pas de coquetterie ? J’ai le désir d’être admirée, et la coquetterie, c’est l’esprit mis au service du besoin de plaire. L’esprit ! Éveline en a ; mais, moi, j’ai du génie, et je ne saurais pas m’en servir pour la satisfaction de mon amour-propre !

Elle réfléchit encore longtemps. Je crois, Dieu lui pardonne ! que, pendant cette orgueilleuse et grave méditation de Nathalie, il arriva à Flavien de ronfler un peu. Nathalie n’en fut point émue, et même cette pensée lui vint involontairement :

— Avec un mari qui ronflerait, on aurait tout de suite le droit de passer les nuits à écrire chez soi… Mais pourquoi ne nous recherche-t-il pas en mariage ? pensa-t-elle. Nour, sommes plus riches que lui. Il faut qu’il soit sans dettes, ou sans ambition, ou fiancé déjà… ou encore, amoureux d’une femme mariée. Enfant que j’étais ! avant tout, il faut savoir cela.

Elle cueillit une branche d’azalée, approcha derrière le