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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/134

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que ses filles se marient à leur gré… Tu vois chez lui des gentilshommes, des industriels, des fonctionnaires, des artistes, des riches, des pauvres, des partis de toutes sortes, en un mot. Ces demoiselles ont donc de quoi choisir, mais pour le mariage, entends-tu bien ? Elles vivent dans une grande liberté ; elles ont une belle-mère jeune, qui ne voudrait ni ne pourrait les gouverner. Dutertre est persuadé qu’elles savent se gouverner elles-mêmes… Si tu t’apercevais du contraire, si cette indulgence, cette loyauté des parents, venaient à enhardir des caprices… des malheurs domestiques… tu comprends, mon ami : Dutertre est le plus pur, le plus généreux, le meilleur des hommes… On se reprocherait toute sa vie d’avoir répondu à sa confiance par une trahison. Bonsoir ! il se fait tard ; et comme, grâce au signe de croix que Gervais a fait sur la porte, madame Hélyette se tiendra tranquille cette nuit, nous allons, je crois, dormir profondément.

Les deux amis se séparèrent. Thierray songea quelques instants aux dernières paroles de Flavien. Elles n’inquiétèrent pas sa conscience.

— Je ne suis pas un enfant, se dit-il, pour séduire malgré moi et mettre à mal bêtement une jeune fille. J’ai traversé plus d’un danger. Je ne suis plus dans la première fleur de la jeunesse ; j’ai assez usé mes passions pour n’avoir pas un immense mérite à les gouverner. Et, là-dessus, il s’endormit.




XI


Cette même nuit, à peu près à la même heure où les habitants de Mont-Revêche avaient devisé de la sorte,