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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/139

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Dutertre, absorbé par une foule d’idées tristes et douces, rêva un instant, caressant les unes et refoulant les autres. Il ne vit pas le malaise douloureux d’Amédée, et il allait lui dire bonsoir, lorsqu’un souvenir le frappa, mais sans l’inquiéter.

— À propos, dit-il, explique-moi donc ces plaisanteries de Nathalie, auxquelles Éveline a pris une sorte de part, l’autre jour. Tu te promènes donc la nuit sur la pelouse, ou dans les massifs ? Tu rêves donc à la lune comme un amoureux de roman ? Cela t’est bien permis ; mais pourquoi ces demoiselles avaient-elles un air piqué, presque menaçant, en t’interrogeant sur tes prétendus travaux de la nuit, et sur ta lampe, qui, disent-elles, brûle souvent dans le vide ?

— Ne me questionnez pas sur une chose si frivole, mon oncle, répondit Amédée plus triste que confus ; je ne pourrais pas vous répondre.

— Allons, je comprends ! cela ne me regarde pas, en effet, et j’ai tort de vouloir pénétrer les petits mystères de la conduite d’un jeune homme. Pourtant, mon ami, je dois te dire que, dans une maison comme la nôtre, où des regards d’une innocente mais violente curiosité enfantine épient toutes choses sans les comprendre, il faut que le mystère de ces petites faiblesses soit complet…

— Quoi ! mon oncle, s’écria Amédée surpris et même blessé, vous me croyez capable d’avoir une intrigue de ce genre dans votre maison ? Vous pensez que, si le démon de la jeunesse troublait mes nuits, je respecterais assez peu le sanctuaire de votre famille pour satisfaire mes passions sous le toit qui protège votre femme et vos filles, et pour les exposer à surprendre seulement un regard échangé avec quelque femme attachée à leur service ? Non, non ! cette maison m’est sacrée ! et je n’y voudrais