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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/14

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Qu’est-ce que cela prouve, Paul et Virginie ? Cela prouve que la jeunesse, l’amitié, l’amour et la nature des tropiques, sont de bien belles choses quand Bernardin de Saint-Pierre les raconte et les décrit.

Si Faust n’était pas entraîné et vaincu par le diable, cela prouverait-il que les passions sont moins fortes que la sagesse ? Et de ce que le diable est plus fort que le philosophe, cela prouve-t-il que la philosophie ne puisse jamais vaincre les passions ? Qu’est-ce que cela prouve, Faust ? Cela prouve que la science, la poésie, les sentiments humains, les images fantastiques, les idées profondes, gracieuses ou terribles, sont de bien belles choses quand Goethe en fait un tableau émouvant et sublime.

Si Julie ne tombait pas dans le Léman, si Tancrède ne tuait pas Clorinde, si Pyrrhus épousait Andromaque, si Daphnis n’épousait pas Chloé, si la fiancée de Lamermoor ne devenait pas folle, si le Giaour ne devenait pas moine, nous perdrions les plus belles pages d’autant de chefs-d’œuvre ; mais il n’y aurait pas une preuve de plus ou de moins, pas une conclusion manquée ou trouvée dans ces conceptions de l’intelligence.

Je trouve donc la critique oiseuse, quand elle discute la fantaisie, et fâcheuse pour l’art quand elle veut astreindre la fantaisie à être une démonstration concluante. Je veux qu’on nous permette de démontrer à notre point de vue tout ce qu’il nous plaira, mais non pas que ceux qui combattent ou partagent nos sentiments demandent compte