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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/152

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sible de le faire sans danger d’être atteint par la chute de quelque pierre ou de quelque branche.

— Que cela est charmant ! quelle heureuse idée disait-elle à son mari, qui ne la quittait point.

— C’est une idée à toi, répondit-il : ne disais-tu pas, l’année dernière, qu’il ne manquait que cela ici ?

— Comment ! c’est parce que j’ai dit cela ? c’est pour moi ?

— Et pour qui donc, je te prie ?

— Ah ! tais-toi, ami, dit vivement Olympe, ou dis-moi cela plus bas !

L’émotion d’Olympe, le mouvement brusque avec lequel elle se retourna pour voir si les paroles de son mari n’avaient été entendues que d’elle seule, et l’espèce d’étouffement dissimulé par une toux affectée, furent si sensibles pour Dutertre, qu’une partie de la vérité lui fut révélée.

Cent fois, sa femme lui avait dit en souriant :

— Prends garde de me trop aimer devant tes filles ; tout le monde t’adore ici, et c’est trop juste, l’affection est jalouse. Il ne faut pas que nos chers enfants croient que tu préfères l’une de nous à aucune des autres.

Dutertre s’était habitué à l’idée de cette innocente et tendre jalousie ; il s’était habitué aussi à la respecter, à la ménager ; il croyait y être parvenu. Il s’imaginait adorer sa femme en cachette, et ce chaste mystère avait été jusqu’alors un charme de plus dans son amour. Confiant de sa nature, incapable de supposer le mal, optimiste par instinct, parce qu’il portait constamment en lui le désir et la volonté du bonheur des autres, il ne s’était jamais alarmé sérieusement des conséquences domestiques de son second mariage. Il avait cru longtemps à la bonté de ses trois filles. Peu à peu il avait vu se dévelop-