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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/159

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des remontrances que tu n’aimes à les entendre. Je ne t’en ai pas accablée jusqu’à cette heure.

— C’est à cause de cela que je ne comprends rien à celle-ci, reprit Éveline croyant avoir repris le dessus. Ayant été fort gâtée peut-être, jamais blâmée et pas du tout surveillée, je m’étais arrogé le droit de me croire parfaite, et voilà que vous voulez me déranger dans mes illusions sur moi-même ! Voyons, papa, c’est cruel. Je suis habituée à vos épigrammes, car vous êtes fort taquin, aussi, vous ! Mais je les prends en bonne part, au lieu que vos remontrances… Vraiment, je ne sais pas de quelle couleur elles peuvent être, et j’ai peur de n’y rien comprendre du tout.

— Éveline, voilà bien des paroles pour ne pas m’écouter. Écouter serait pourtant le seul moyen de comprendre, et je ne parlerai pas de choses bien mystérieuses. Tu es trop libre et trop irréfléchie, ma fille, je te l’ai dit mille fois en riant, je te le dis pour la première fois avec tristesse.

— Comment ! mon père, vous voilà triste parce que je suis gaie ? Je crois rêver ! Quel malheur va donc m’atteindre ? quelle menace pèse donc sur moi ? Je croyais que mon bonheur vous rendait heureux ; j’étais habituée à voir toutes mes folies vous plaire, tous mes enfantillages vous réjouir, et vous voilà avec un front rembruni et un œil presque dur ! Est-ce ma faute, à moi, si M. Thierray est un fat, et puis-je l’empêcher de me dire des impertinences de mauvais goût ?

— Ma chère Éveline, si Thierray était un fat et un impertinent de mauvais goût, je serais fort coupable de l’avoir introduit dans ma famille ; je ne me le pardonnerais pas, croyez-le bien : mais, comme je le connais, au contraire, pour un homme d’esprit, de jugement et de très-bonne compagnie, je dois croire que vous le faites