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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/169

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avec effort. Elle s’effraya davantage quand elle apprit ; qu’Éveline était souffrante ; mais, habituée à concentrer toutes ses pensées, toutes ses émotions, elle parut ne pas se douter que le moment terrible était venu et que la glace, sinon encore rompue, venait du moins de craquer sous ses pieds.

Éveline, restée seule, ruminant sa colère, s’apprêtait à déchirer quelque robe ou à casser quelque porcelaine pour se soulager, lorsque Caroline vint la trouver.

— Voyons, qu’est-ce qu’il y a, petite sœur ? dit l’enfant, chez qui les doux et patients instincts de la maternité semblaient être une prédominance de l’âme ; nous avons pleuré ; nous boudons, parce que nous avons gâté nos yeux bleus ! Allons, de l’eau fraîche, et cela passera vite.

— Laisse-moi, Benjamine, dit l’autre en la repoussant, je ne suis pas en train de rire.

— C’est bon ! c’est bon ! répondit la petite sans se troubler, nous connaissons ça : tu t’es mise en colère parce que ton chignon ne tenait pas, ou parce que le fichu que tu veux est, comme de coutume, le seul qui ne soit pas prêt. Voyons, quel chiffon est-ce qu’il te faut ? Je vais le repasser, s’il ne l’est pas. J’ai toujours des fers dans ma chambre, et ce sera fait en un tour de main, sans que Grondette s’en doute.

— Sotte que tu es ! reprit Éveline. Il s’agit bien de chiffons ! papa vient de me faire une scène.

— Oh ! je le crois bien ! dit la Benjamine en riant, il est si méchant, ce papa que nous avons ! C’est un homme terrible ! Je parie qu’il t’a battue ! Pauvre sœur ! faut-il pleurer avec toi, ou aller battre ce méchant père qui fait pleurer son petit lion crépu ?

— Tu m’impatientes, tu m’ennuies ! s’écria Éveline. Va-