Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/212

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Ce n’était pas la première fois que, d’un air de commisération officieuse et sous divers prétextes, le page d’Éveline venait espionner la démarche de Thierray. Ce dernier, se voyant pris en flagrant délit, ne chercha plus à dissimuler.

— Bonjour, monsieur Crésus, lui dit-il en allant droit à la fenêtre. Vous engraissez, riche Crésus, vous avez le teint fleuri. Je ne vous demande donc pas de vos nouvelles. Vous en pourrez donner de bonnes sur mon compte, si par hasard on vous en demandait à Puy-Verdon. Je marche comme un chevreuil depuis ce matin.

— C’est ce que je vois, monsieur, dit Crésus de son air lourdement rusé. Par bonheur, monsieur ! car vous aviez l’air de diantrement souffrir, l’autre jour, et je parie que vous vous êtes bien ennuyé de boiter comme ça si longtemps.

Si Crésus eût été dans le salon, ou Thierray dans la cour, ce dernier eût été fort tenté de lui montrer combien son pied était guéri. Par bonheur pour Crésus, celui-ci ne présentait à la fenêtre du rez-du-chaussée que son visage.

— Monsieur Crésus, répondit Thierray en lui soufflant au nez une bouffée de cigare qui le fit reculer, j’ai toujours remarqué combien vous étiez d’un naturel judicieux. Cependant vous faites quelquefois des sottises.

— Ah ! dame ! peut-être bien, monsieur.

— Savez-vous lire, jeune Crésus ?

— Ma foi, non, monsieur.

— Quoi ! ignorant, vous ne connaissez pas seulement vos lettres ?

— Ma foi, non, monsieur, répéta Crésus embarrassé et honteux.

— Alors, je ne m’étonne plus du mépris que vous faites des étiquettes des plantes qu’on vous confie. Vous les trem-