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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/218

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solide, si élevé et clos d’une porte si massive, qu’il était à peu près impossible de s’y introduire, soit furtivement, soit de vive force. Gervais et Manette, gardiens et serviteurs du manoir, ne s’étaient jamais endormis une seule fois, depuis trente ans, sans donner le tour de clef à la serrure et assujettir avec soin la barre de fer transversale, outre le signe de croix qui devait également les préserver de la visite de madame Hélyette et de celle des voleurs.

Le domestique que Flavien avait confié, c’est-à-dire donné à Thierray, mais dont celui-ci était résolu à se débarrasser comme d’un luxe inutile aussitôt qu’il serait décidé que Flavien ne reviendrait pas, couchait dans une chambre basse attenante à l’écurie. Ce domestique se nommait Forget ; il était fidèle, tranquille et ne croyait pas aux esprits.

Thierray ne croyait ni aux esprits ni aux voleurs. Il prétendait n’avoir jamais eu assez d’imagination pour réussir à évoquer les uns, jamais assez d’argent pour mériter d’attirer les autres.

Néanmoins une sorte de frôlement qu’il crut entendre pour la seconde fois dans les corridors, un bruit vague de portes ouvertes qui pouvait bien n’être que celui d’une jalousie agitée par le vent, mais qui pourtant réveillèrent tout à fait Thierray, firent venir à son esprit la pensée qu’il avait en garde cent billets de banque de mille francs, et que, pour la première fois de sa vie, il ne pourrait rire au nez des voleurs désappointés. Il releva la tête, se frotta les yeux et se trouva dans une quasi-obscurité.

Pendant qu’il s’était assoupi, sa lampe, à bout d’huile, s’était éteinte, et le feu de la cheminée, dont la flamme était épuisée, n’envoyait plus que les vagues et rougeâtres