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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/220

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Il posa la bougie sur la cheminée, regarda encore l’apparition, la trouva plus distincte, et, convaincu qu’il était le jouet d’un phénomène d’imagination ou de vision fort curieux à constater sur lui-même, il eut le sang-froid d’allumer une seconde bougie, de la poser à l’autre bout de la cheminée et de se retourner avec beaucoup de lenteur et de calme apparent.

Madame Hélyette était debout et immobile devant lui, à six pas de lui.

— C’est bien cela ! dit tout haut Thierray, immobile aussi et un peu paralysé des jambes, mais encore parfaitement maître de sa volonté, quoiqu’il parlât à son insu.

— L’amazone, le chapeau, la plume, le masque, la cravache, rien n’y manque… les cheveux blonds comme ceux d’Éveline, le menton jeune, le col élégant. Bien ! je vous vois… encore, toujours… Ne vous effacez pas.

En ce moment, Thierray s’aperçut qu’il parlait haut, et le son de sa propre voix l’effraya.

— Cela rend plus malade qu’on ne le pense, se dit-il en faisant un effort pour ne pas articuler sa pensée avec les lèvres. Peut-être que cela rend fou. J’en ai assez.

Il ferma les yeux un instant, jugeant que, lorsqu’il les rouvrirait, le fantôme serait dissipé. En s’abstenant ainsi de sa propre vision, il pensa à ce qu’il ferait si elle persistait, et reprit courage.

— Non, je ne suis pas fou, se dit-il ; je me rends parfaitement compte d’un phénomène dont j’ai beaucoup entendu parler, que j’ai toujours désiré d’éprouver par moi-même, quoique je ne m’en crusse pas capable, et, à présent que je le subis, il serait regrettable de ne pas le subir aussi complet que possible.

Ainsi armé contre sa propre faiblesse, il rouvrit les yeux. La dame au loup était toujours là ; seulement, elle