Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Excepté le fidèle Crésus, qui vous a accompagnée ici, et celui des domestiques de Mont-Revêche qui vous a ouvert la porte ?

— Forget, qui est maintenant à votre service, a été naguère au mien. Il connaît la pureté de mes intentions, il m’est dévoué et il est incorruptible. Quant à Crésus, c’est un enfant qui n’entend pas plus de malice que moi à une plaisanterie, et dont je suis assez riche pour payer le silence. Êtes-vous tranquille ?

— Pas le moins du monde. Dans huit jours, tout le pays saura que, pour se donner l’amusement bizarre de faire peur à M. Thierray, sous le masque de la dame au loup, mademoiselle Éveline Dutertre est venue seule le trouver au milieu de la nuit.

— Vous rêvez ; personne ne le saura. Crésus est bavard quand il ne risque rien à l’être ; mais, quand il s’agit de ses intérêts, le paysan morvandiot se laisserait mettre à la torture. D’ailleurs, je nierais effrontément ; vous aussi, je l’espère ; mes parents n’y croiraient jamais, et Crésus passerait pour fou. À présent, voulez-vous avoir l’obligeance de me faire du feu ? Je suis transie de peur et de froid.

Il était bien impossible à Thierray de refuser les soins de l’hospitalité à sa belle visiteuse. Il ralluma le feu, approcha un fauteuil où Éveline s’assit, et lui, tisonnant, les genoux pliés devant l’âtre, regardant malgré lui le joli pied qu’elle allongeait sur les chenets, il continua à la morigéner en l’interrogeant.

— Pourquoi dites-vous que vous avez eu peur, vous qui poussez la hardiesse jusqu’à l’extravagance ?

— Je n’ai peur ni des bois pendant la nuit, ni de la solitude dans la campagne, car c’est être seule que d’être avec Crésus. Je n’ai pas même été effrayée de la folie de