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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/228

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— Vraiment ? Les résultats de mon équipée seraient-ils si graves ? dit Éveline rougissante, à demi satisfaite, à demi honteuse. Je comprends alors pourquoi vous êtes si effrayé des suites de l’aventure

Et elle lança à Thierray un regard timide et brûlant qui faillit lui ôter le sang-froid dont il s’était armé.

— Oui, j’en suis effrayé, dit-il en évitant ce dangereux regard : je sais à quoi le soin de mon honneur me déciderait sans hésitation, plutôt que de passer pour avoir séduit une jeune fille et pour lui avoir refusé la réparation de l’honneur. Mais, en vous donnant mon nom, je serais pris d’une mortelle haine pour vos richesses et peut-être pour vous-même, qui m’auriez forcé de les accepter malgré moi, et qui ne m’auriez pas laissé le choix entre mon penchant à ma liberté, et la honte d’un rôle coupable ou ridicule.

Éveline, terrifiée de ce discours, se sentit brisée. Elle retomba sur le fauteuil et fondit en larmes en s’écriant :

— Ah ! vous ne m’avez jamais aimée, et, à présent, je ne vous inspire que de la haine !

Thierray fut vaincu. L’amour lui revint au cœur. Il n’est point d’homme assez fort pour de telles épreuves.




XIX


— Voyons, dit Thierray en s’approchant d’Éveline, mais sans toucher un seul pli de son vêtement, parlez franchement : pourquoi êtes-vous venue ici ? Êtes-vous réellement assez enfant, je devrais dire assez folle, pour risquer votre réputation, votre pudeur, votre honneur peut-être, dans le seul but de me faire un de ces tours de vieux