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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/285

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sur son visage un abattement inconcevable et qu’elle trouva dans ses manières quelque chose de contraint qu’elle ne connaissait pas. L’attitude de Nathalie était effrayante de roideur et d’amertume.

— Elle me le tuera, se disait Olympe. Hélas ! ne peut-elle se contenter d’une victime ?

La pauvre femme voyait bien que la blessure faite à Dutertre partait de là ; mais elle était si loin de penser qu’elle eût à se défendre ou à se justifier auprès de lui, qu’elle se gardait de l’interroger, s’étant fait une loi, non-seulement de ne jamais se plaindre à lui de Nathalie, mais de ne jamais l’aider à s’en plaindre devant elle. Dans cette union qui semblait si belle, si bien assortie, et que l’amour avait formée de ses propres mains, il y avait fatalement un côté sacrifié : ces deux époux ne pouvaient ouvrir entièrement leur cœur l’un à l’autre. Ils souffraient d’un mal commun qu’ils ne pouvaient jamais alléger par un mutuel épanchement, et une des plus vives sources de la félicité humaine, la fusion des chagrins dans l’intimité, leur était interdite par les délicatesses de l’affection même.

Le départ d’Amédée étonna médiocrement. Dans une vie aussi pleine et aussi chargée d’intérêts généraux et particuliers que l’était celle de Dutertre, il paraissait tout simple qu’une nouvelle imprévue le fît disposer pour quelques jours de l’intelligence et de l’activité de son neveu. Dutertre ne donna pas d’importance à ce départ, et se contenta de dire que l’affaire pourrait bien retenir Amédée absent une quinzaine.

Nathalie observa tout haut à son père qu’elle augurait une plus longue absence. Elle seule avait compris la cause de cet incident. Dutertre lui répondit d’un ton bref qu’elle ne savait rien de ses affaires. Elle subit cette mortifica-