Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/305

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il faut que je trouve moyen de rentrer à Puy-Verdon, où cet homme me soignera sans savoir en quel lieu m’est arrivé l’accident. On peut rester quelques heures dans la position où je suis. J’ai vu des paysans attendre l’opération des jours entiers, et ils n’en sont pas morts. Or, moi, j’aime mieux mourir que d’être vue ici par des étrangers, ou rencontrée sur les chemins, faisant retraite après une campagne malheureuse. Il n’y a de pardonnables et de pardonnées, en fait de folies, que celles qui réussissent ; celles qui échouent sont ridicules et blâmées. Il importe peu, Thierray, que, le lendemain de notre mariage, on sache quelles diableries j’ai faites pour vous. On en sera effrayé, on n’en rira pas. Mais être prise là, sur le fait, c’est affreux ! J’aime mieux mourir, vous dis-je : on ne rit pas d’une femme qui meurt… Oui, oui, vous me cacherez, vous m’enterrerez dans quelque coin… Mes bons amis, comme dit votre perroquet, laissez-moi, je vais mourir !

Et la pauvre Éveline, dont les nerfs étaient surexcités, partit d’un éclat de rire qui se termina par des sanglots.

— Il n’y a qu’un parti à prendre, dit tout bas à Thierray Flavien, qui, seul, ne perdait pas la tête : il faut aller tout dire à Dutertre. Ce n’est pas dans l’état où est cette pauvre enfant qu’un père peut manquer de tendresse et d’indulgence. Lui seul décidera du parti à prendre immédiatement, soit que nous devions soigner ici sa fille avec lui, soit qu’il trouve un moyen de l’emmener. Sa présence sauvera tout ; il est ferme, prudent et généreux. Ta demande et son acceptation seront un fait simultané. Je pars ! charge-toi de tenir la présence d’Éveline ici secrète, jusqu’à ce que le père ait décidé.

Éveline, en proie à une crise nerveuse, n’entendit rien de cette résolution, à laquelle elle se fût opposée, bien que