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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/31

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table, et, bien que le nouveau maître ne s’y fût pas annoncé, deux vieux serviteurs, mâle et femelle, religieusement unis par les liens du mariage, y avaient entretenu tant d’ordre et de propreté, que l’installation fut faite et le premier repas présentable en moins d’une heure. Après quoi, Flavien fit lestement le tour de ses domaines, qui n’étaient pas considérables, mais productifs en beaux arbres, en bonnes herbes et en bestiaux bien nourris. Le vieux domestique, à moitié régisseur, se fit un devoir de l’accompagner et de lui vanter les magnificences de la propriété. Thierray marchait derrière eux dans les sentiers du bois, escorté malgré lui de la vieille Manette, qui était encore ingambe des pieds et de la langue. La voyant si bien disposée à causer, il ne se retint guère de la questionner sur le compte de ses voisins, et particulièrement de la maison Dutertre.

— Oh ! ce sont des bourgeois bien riches, dit la vieille. On dit qu’ils ne savent pas le compte de leurs écus. Pour de petites gens qu’ils sont par la naissance, ils sont assez bien élevés et très-honorables. Madame la chanoinesse ne répugnait pas à les voir. Il font du bien, et la dame est si comme il faut, qu’on ne la prendrait jamais pour ce qu’elle est. On assure cependant que son père faisait métier de musicien.

— Ah çà ! ma bonne dame, dit Thierray, est-ce que vous êtes chanoinesse aussi, que vous parlez si dédaigneusement des artistes ?

— Moi, monsieur ? dit la vieille sans se déconcerter. Je suis une femme de rien, comme vous voyez ; mais je n’ai jamais servi que des personnes bien nées, et j’ai passé vingt ans au château.

— Quel château ? demanda Flavien en se retournant.

— Le vôtre, monsieur le comte, repartit Gervais,