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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/310

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par la nature, sentait vivement, et comprenait largement, les arts. Le hasard l’amena dans la maison Marsiani, où, dès la première heure, il fut aimé et apprécié. Il n’était pourtant ni musicien, ni peintre, ni auteur. Il n’en était pas moins artiste et poëte. Sa prédilection pour l’agriculture prenait sa source dans une immense admiration pour l’œuvre divine et dans une candeur de l’âme qui le portait aux occupations de la vie primitive. Sa femme le comparait souvent, avec Amédée, à ce personnage de Cooper, type de prédilection qu’il a développé dans plusieurs romans sous les noms si connus du Chercheur de sentiers, d’Œil-de-Faucon, du Guide, etc. Ce type, devenu populaire, est, à travers les développements souvent trop naïfs du récit, une des plus belles et des plus suaves créations de la pensée humaine. Il est pur et grand comme une forêt vierge. C’est la vertu du chrétien alliée à la liberté du sauvage, c’est l’homme primitif dans toute sa puissance physique, initié au progrès moral de l’humanité par ses côtés d’excellence incontestable, la charité, le pardon, la droiture, la justice.

Tel eût été Dutertre s’il eût vécu dans les déserts d’un monde vierge, et la comparaison de sa femme s’appliquait avec justesse à ce qu’il y avait d’inné en lui. La société l’avait enrichi de toutes les connaissances nécessaires à l’époque et au milieu où il vivait, et, chose étrange ! elle n’avait rien effacé, rien corrompu dans cette organisation admirable. Il avait acquis, dans cette société, la notion de l’utile, inconnue au héros de la solitude ; mais, habile à tirer parti des ressources de la nature, il n’en avait pas abusé en vue de lui-même, il en avait largement et sagement usé en vue des autres. Le bien qu’il avait fait était immense, et, dans ses mains, la richesse était un levier pour en faire chaque jour davantage.