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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/335

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mauvaise pièce de Nathalie ne nous dit pas, et qui s’expliquera demain, comme s’expliquent toutes choses de ce monde quand on se donne la peine d’attendre pour juger. Madame Dutertre se croit protégée de tout soupçon par sa vertu même. Elle en a bien le droit, mais elle n’en a pas moins tort, à ce qu’il paraît, puisque dans sa propre maison elle trouve la malveillance et la calomnie. Allons, de tous les mariages que j’ai vus, le meilleur ne vaut pas grand’chose !

Il va sans dire que Blondeau était un vieux garçon.

Cependant Dutertre était entré dans la chambre de sa femme. Elle avait mis une robe de chambre grisé et roulé ses magnifiques cheveux noirs sous une coiffe de batiste. Elle avait l’air d’une religieuse. Elle avait le calme, la douceur, l’expression chaste et grave d’une vierge d’Holbein. Elle priait, car Olympe, Italienne et catholique, n’avait jamais manqué aux pratiques de sa religion d’enfance, même dans le temps où elle se destinait au théâtre. Dutertre respectait la simplicité de son cœur et ne la dérangeait jamais de ses prières. En ce moment, il les imputa presque à hypocrisie, et fut tenté de les interrompre. Il ne l’osa pas. On ne passe pas, en un instant, du respect sans bornes au doute et à la colère. Il attendit avec impatience qu’elle eût fini, en se promenant de long en large dans la chambre voisine, qui était la sienne.

Olympe entendit le bruit nerveux de ses pas, et comprit qu’il était agité. Elle se recueillit un instant pour élever son âme à Dieu une dernière fois, et alla vers lui.

— Est-ce que notre fille est plus mal ? lui dit-elle avec effroi, en voyant son air sombre.

— Il ne s’agit pas de ma fille, répondit Dutertre, il s’agit de moi. Olympe, je me sens très-mal, je souffre beau-