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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/376

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je le sentais bien aussi ! Et c’est déjà fini ! À présent, je ne suis plus bonne à rien. Je ne peux pas suffire à mon père, je n’ai pas assez d’esprit pour le consoler. Elle ne m’en demandait pas, elle, elle m’aimait tant ! oui, elle m’aimait encore plus que mon père ne m’aime, s’il est possible. Elle m’aimait comme pas un de vous ne m’aimera jamais. C’était ma sœur, parce qu’elle était jeune et simple ; c’était ma mère, parce qu’elle était grande et sage. C’était ma fille aussi, parce qu’elle était faible de corps, malgré son courage, et que je la soignais comme un petit enfant. C’était tout pour moi, une amie, une parente, un modèle. Qu’y avait-il sur la terre d’aussi beau, d’aussi bon, d’aussi aimant qu’elle ? Je n’étais pas seulement heureuse d’être sa fille chérie, j’en étais fière, j’en étais vaine ! Et à présent, de quoi pourrais-je tirer gloire ? À qui pourrais-je être nécessaire ? Ah ! tu vois, Amédée, je suis gaie, bien gaie ! j’ai bien sujet de l’être !

C’était la première fois de sa vie que Caroline parlait si longtemps et avec tant de feu. Amédée sentit tout à coup que cette bonne petite fille était tout simplement une grande âme, un caractère admirablement trempé, uni au cœur le plus tendre. Il la pressa contre son sein et pleura avec elle. Il pleura pour la première fois depuis la mort d’Olympe, et, depuis ce jour, il vit Caroline avec d’autres yeux. C’était elle, en effet, qui l’emportait sur tous par l’enthousiasme et le désintéressement de son amour pour la morte. Elle n’avait vécu que par elle, elle ne comprenait pas encore qu’elle pût vivre pour quelque autre.