Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/386

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blanchir presque subitement les cheveux de son père, en remarquant les ravages que quelques mois firent sur cet homme si robuste et si magnifiquement organisé, jusqu’à lui donner l’aspect prématuré de la vieillesse, elle éprouva un tel effroi qu’elle tomba assez gravement malade à son tour. Elle eut des accès de fièvre où, pendant son délire, nous crûmes découvrir qu’une passion inassouvie et sans espoir, une passion plus noble que l’ambition de briller, plus douce que l’orgueil, se mêlait à ses remords ; mais le nom qui s’échappa de ses lèvres, je ne puis te le répéter, Flavien. Ce secret trahi par le délire, nous ne pouvons le dire à personne.

— Eh bien, je le sais, moi, dit Flavien visiblement ému ; ce nom, c’était le mien !

— Comment sais-tu cela, mon Dieu ?

— N’importe ! continue. Je tiens beaucoup à recueillir ces détails de ta bouche.

— Eh bien, j’achève. Nathalie, remise de son transport, tomba dans un état de langueur qui nous effraya. Son père la supplia de se distraire et la confia à sa sœur, mademoiselle Élisa Dutertre, qui la conduisit en Italie. Elle y a passé six mois, et nous est revenue en bonne santé, fort belle, mais toujours triste et sombre. Elle se conduit, du reste, admirablement avec nous. Elle est pleine d’égards, de soins pour tous, de désintéressement et de noblesse dans tous ses procédés. Il semble, à l’initiative empressée qu’elle prend dans toutes les bonnes actions que propose son père, dans les sacrifices personnels qu’elle s’impose pour les seconder, dans les sentiments religieux qu’elle médite plutôt qu’elle ne les exprime, dans le progrès même de son talent, qui s’est illuminé de grands élans pathétiques, et dont elle ne fait plus ni montre ni mystère, qu’elle ait, non-seulement entrepris une grande ex-