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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/48

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Mais, se remettant aussitôt, elle ajouta, sinon avec plus de candeur, du moins avec une grâce pénétrante :

— Est-ce que notre père n’est pas là ? Est-ce une toilette perdue que celle que j’ai faite pour lui ?

— Papa a faim, dit Caroline en emmenant son père à table. Il regardera tout à l’heure comme tu es jolie. Mais, toi-même, il faut manger, petite sœur. Tu as couru à cheval après dîner, et tu vas encore, si tu ne prends pas tes précautions, nous réveiller cette nuit en nous disant que tu meurs de faim. Allons, asseyez-vous, je vais vous servir tous les deux. Veux-tu me le permettre, maman ? ajouta-t-elle en donnant un gros baiser sur la belle main d’Olympe, qui s’était posée sur son épaule.

— Ceci est grave, répondit madame Dutertre en souriant avec tendresse à l’enfant de son cœur. Il faudrait peut-être demander d’abord la permission au père, et puis à la sœur aînée… et puis à la cadette.

— Moi, je permets tout, ce soir, à tout le monde, dit Dutertre avec gaieté, pourvu qu’on m’aime à qui mieux mieux. J’ai surtout faim et soif d’être aimé après six mois d’exil.

— Tout le monde vous aime, bon père, dit Éveline ; mais je permets à votre Benjamine de faire la maîtresse de maison devant vous. Elle s’en acquitte avec grâce, et, moi, quand je cesse de remuer et de m’agiter, je ne suis plus bonne à rien. J’aime mieux courir un sanglier que de découper une perdrix.

— Quant à moi, dit Nathalie, je n’entends rien à ces grandes choses de l’intérieur qui s’appellent du nom sublime de pot-au-feu.

Caroline, ravie, renvoya les domestiques, et, s’asseyant auprès de son père, se levant cent fois pour une, elle le servit avec idolâtrie.