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Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/60

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— Halte-là, ma belle ! Vous seule prétendriez volontiers cela. Mais, vivant avec vos livres, vous ne savez, de ce qui vous entoure, que le mal que vous y supposez. Ma réputation ne risque rien au grand jour et au grand air. Plus j’ai de témoins de mes actions, moins je crains qu’on ne les calomnie, et ce n’est pas au milieu des chevaux, des piqueurs et des chiens, que la vertu d’une demoiselle est exposée. On sait, d’ailleurs, que la main qui sait gouverner un cheval dangereux serait de force à châtier un insolent, et qu’une cravache voltige dans mes doigts aussi adroitement qu’une épée dans la main d’un homme.

— Fort bien ! tout cela me paraît du plus mauvais goût, et je ne conçois aucune espèce d’arme séante à la main d’une femme, quand l’austérité de son extérieur et le sérieux de ses habitudes ne la préservent pas de la seule pensée d’une insulte. Mais passons, car je compte beaucoup plus sur l’escorte fidèle d’Amédée pour contenir les audacieux que sur tes moyens personnels de défense…

— Amédée est un sot qui, s’il me voyait insultée, me vengerait sans doute, mais en ne manquant pas de prouver que je suis dans mon tort, que c’est ma faute, et en me criant comme le maître d’école de la fable : « Je vous l’avais bien dit ! »

— Ce serait révoltant, en effet, que ce pauvre garçon, en se faisant couper la gorge pour tes sottises, se permît de murmurer contre sa souveraine adorée !

— Adorée ! voilà une méchanceté d’un nouveau genre ! Prétends-tu maintenant m’imposer le ridicule d’avoir pour amoureux mon petit cousin, un enfant dont nous avons vu pousser la première barbe ?

— Un enfant qui a maintenant une très-jolie barbe, et qui compte vingt-quatre ans, juste l’âge de madame Olympe.