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Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/144

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par miracle il avait échappé. Mais il se disait que cela pourrait être plus sérieux une autre fois, et il comptait se mettre en règle. Il avait dit à la Mariotte :

— Je n’ai pas d’enfants et je n’ai jamais aimé dans la famille de Franqueville que le pauvre Émilien. J’ai amassé deux cents livres de rente ; mon vice qui m’est venu sur mes vieux jours, m’empêche d’augmenter le capital, car j’en bois le revenu. Mais le fonds, je n’y veux jamais toucher, et il faut que M. Costejoux trouve un moyen de m’en empêcher.

À peine arrivés à Limoges, ils coururent chez M. Costejoux ; ils le trouvèrent très agité.

— Citoyens, leur dit-il d’un ton brusque et sans leur faire le bon accueil accoutumé, je désire savoir, avant tout, quels sont vos sentiments politiques dans les terribles circonstances où nous nous trouvons.

— Je ne vous demande pas quels sont à présent les vôtres, répondit Émilien ; mais, comme je venais pour vous dire les miens, je vais le faire sans savoir si vous les approuverez. Je veux être soldat et ne pas servir d’autre cause que celle du salut de mon pays et de la révolution, je viens m’engager à vous demander votre protection pour ma sœur.

— Protection ! qui peut promettre protection, et que parlez-vous de vous engager, quand la levée en masse est décrétée ? nous en sommes tous.

— Je l’ignorais ; eh bien, je m’applaudis d’être prêt à marcher.

— Mais vos parents ?…

— Je ne sais plus rien d’eux, et j’ai refusé tout secours qu’ils eussent voulu me donner.