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Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/198

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Je me trouvai alors dans cette grande lande qu’on m’avait annoncée. Je n’avais, autant que je pouvais m’en rendre compte, fait tout au plus qu’une lieue et je ne pouvais pas non plus me rendre compte du temps écoulé, perdu à vouloir faire marcher Dumont. Je savais très bien connaître l’heure d’après la position des étoiles, mais le ciel était tout pris par de gros nuages et l’orage commençait à gronder. Quelques bouffées de vent soulevaient la poussière de la route, ce qui augmentait la difficulté de voir devant soi. Je me disais que quelque lumière m’annoncerait la bicoque des Taupins ; mais, si cette lumière se trouvait voilée par un tourbillon, je pouvais dépasser le but. J’étais forcée de m’arrêter souvent pour regarder derrière moi, et puis je doublais le pas, craignant également d’aller trop lentement ou trop vite.

Tout à coup, au milieu des roulements du tonnerre qui augmentaient de fréquence et d’intensité, je distinguai le bruit d’une voiture qui venait très vite derrière moi. Étais-je loin du relais ? Allait-on me dépasser ? Je ne pris pas le temps de sauter sur l’âne, je me mis à courir si vite, qu’il avait peine à me suivre. Quand la voiture fut tout près de moi, je dus m’élancer près du fossé. Elle passa comme un éclair, je distinguai à peine les deux cavaliers d’escorte. Je courais toujours, mais en moins d’une minute tout se perdit dans la poussière et dans l’obscurité. Une minute encore, et le bruit des roues s’affaiblit de manière à me convaincre que j’étais distancée d’une manière désespérante.

Alors, tout ce que les forces humaines peuvent donner à la volonté, je l’exigeai des miennes, je courus