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Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/241

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entassés sur le lit du ruisseau qu’on n’en verra pas de longtemps la fin. Le grand _Durderin _(corruption de _Druiderin) _est encore debout et l’ensemble de l’île aux Fades n’a pas trop changé ; mais elle a perdu son nom, les fées se sont envolées et le voyageur qui chercherait leur ancien séjour serait forcé de demander à la ferme voisine du Petit-Pommier, le chemin des Grosses-Pierres. Moins de poésie à présent, mais plus de travail et moins de superstition.

Comme nous rentrions gaiement de cette promenade, nous eûmes une grande alerte. Nous vîmes, sur la partie découverte de notre île aux Fades, Dumont entre deux hommes armés de piques, qui avaient des écharpes rouges sur leur veste et de grandes cocardes à leur bonnet de laine.

— Restons là, ne nous montrons pas, dis-je à Émilien en l’attirant dans les buissons ; c’est vous qu’on cherche !

— C’est aussi bien toi et Dumont, que moi, répondit-il, puisque vous cachez le fugitif et le réfractaire ! Observons-les, car, s’ils font mine d’emmener Dumont, je le défendrai. Deux contre deux et la solitude !

— Dites trois contre deux, car je vous aiderai, ne fût-ce qu’à coups de pierres. Je me souviens de mon jeune temps où je savais comme les autres tuer les oiseaux avec des cailloux et viser juste.

Nous en fûmes quittes pour nos préparatifs de défense. Ces hommes quittèrent tranquillement Dumont et passèrent au-dessous de nous sans nous voir.

— Nous l’échappons belle, nous dit Dumont, dès que nous l’eûmes rejoint : ce sont des garnisaires qui recherchent le fils du carrier et qui m’ont