Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/243

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que madame Élisabeth avait été guillotinée et que le dauphin était prisonnier.

— Ne parlons pas de cela à Émilien, me dit-il ; il s’est toujours refusé à croire que les enfants pussent être victimes de ces persécutions. Il ne veut pas voir la République aussi méchante qu’elle l’est. Ne lui donnons pas à penser que sa sœur peut être arrêtée à cause de lui.

— Mon Dieu, Dumont, est-ce qu’il nous serait impossible de savoir si Louise est toujours en sûreté, et, dans le cas contraire, de l’amener ici ? Voilà les nuits belles et encore assez longues ; on peut faire dix lieues d’un soleil à l’autre, arriver de grand matin au moutier, s’y reposer jusqu’au soir et repartir la nuit suivante. J’ai déjà fait des courses plus difficiles. Si vous me disiez bien les chemins, vous qui les connaissez…

— Ah ! Nanette, s’écria Dumont, je vois bien que tu n’as plus de confiance en moi ; tu ne me crois plus capable de rien, tu me méprises, et je l’ai bien mérité !

— Ne parlons pas de cela, mon cher oncle. Si vous avez eu quelque tort, je ne m’en souviens plus. Nous tirerons à la courte paille, si vous voulez, à qui fera le voyage ; mais, comme il faudra tromper Émilien, partir la nuit durant son sommeil et se trouver très loin quand il s’éveillera, cela me sera plus facile qu’à vous qui couchez dans la même chambre, lit contre lit.

— Pas du tout, reprit Dumont. Il a le sommeil qu’on doit avoir à son âge, et je sortirai très aisément sans l’éveiller. Cela m’est arrivé vingt f